Alopécie androgénétique

1. Qu'est-ce que la calvitie ou alopécie androgénétique ?

L'alopécie androgénétique, autrefois appelée séborrhéique ou calvitie, est un processus de chute anormale des cheveux touchant l'homme et la femme, et provoquant des dégarnissements plus ou moins importants du sommet du cuir chevelu. Le terme "androgénétique" explique la double origine de ce phénomène : la réceptivité aux hormones mâles des racines des cheveux, et la prédestination génétique des cheveux à subir cette stimulation.

Dès le IVe siècle avant Jésus-Christ, Aristote remarque que ni les enfants, ni les eunuques ne sont chauves, et établit un rapport entre la perte des cheveux et la sécrétion d'hormones mâles. La confirmation scientifique ne viendra qu'au XXe siècle.
Dans les Entretiens dermatologiques publiés en 1913, Sabouraud rapporte une enquête menée par le médecin de la cour d'Abdul Hamid, dernier sultan de Constantinople. Parmi les 157 eunuques du sérail, "aucun n'était chauve sauf un qui n'avait aucun poil sur le corps" (exception due sans doute à une pelade universelle).

En 1940, Hamilton établit un rapport entre le déclenchement de l'alopécie commune et la sécrétion d'hormones androgènes. Il avait observé que des adolescents castrés en bas âge et génétiquement prédisposés à la calvitie ne perdaient pas leurs cheveux.

L'administration d'androgènes provoqua chute et dégarnissement capillaires. L'hypothèse d'Aristote était ainsi confirmée. Les hormones mâles entraînent bien, chez les sujets génétiquement prédisposés, une accélération du cycle de croissance qui aboutit à l'épuisement précoce du capital de renouvellement des follicules.

De plus en plus fins, les cheveux se transforment bientôt en duvet, pour disparaître ensuite totalement une fois le nombre de cycles programmés atteint.

2. Existe-t-il d'autres causes d'alopécie ?

La pelade, dont l'origine n'est pas totalement élucidée, peut apparaître lors des chocs psychologiques. Elle est caractérisée par une chute de cheveux en plaques ou sur tout le cuir chevelu. Au cours de cette maladie, lorsque les cheveux repoussent, ils sont soyeux et souvent transitoirement blancs.

La pseudo-pelade se présente sous la forme d'une alopécie en petites aires souvent confluentes, et la repousse est impossible. Quant à la trichotillomanie, elle est la conséquence d'une traction répétée des cheveux : il s'agit d'un véritable tic. Les cheveux, au niveau des plaques alopéciques, sont cassés à des longueurs variables et repoussent pour subir à nouveau le tic d'arrachage.

3. Est-ce qu'une femme peut-elle aussi devenir chauve ?

Tout à fait. La femme est susceptible, comme l'homme, de présenter un dégarnissement du sommet du cuir chevelu. Cette alopécie peut même quelquefois s'étendre vers les côtés.

4. Est-ce qu'une séborrhée est toujours associée à une alopécie androgénétique ?

Le sébum, substance graisseuse qui "coule" le long du cheveu, existe à l'état normal. C'est un protecteur naturel contre les agressions extérieures. Il est de ce fait particulièrement important y compris chez les animaux (un canard dont les plumes seraient dépourvues de sébum, ne pourrait flotter sur l'eau).

En revanche, l'excès de sébum (ou hyperséborrhée) a des conséquences néfastes : d'une part, par la gêne qu'il entraîne sur le plan cosmétique, et d'autre part, en raison de sa responsabilité possible dans la survenue de pellicules. Le sébum peut en effet, par période, contenir des acides gras irritants provoquant un état pelliculaire sur un faux dessèchement. La séborrhée est souvent (mais pas toujours) associée à l'alopécie androgénétique. Pour cette raison, le terme alopécie séborrhéique a été abandonné.

5. Quels sont les facteurs impliqués dans la chute capillaire, la séborrhée et la calvitie ?

Ils sont identiques. Dans les trois situations, on retrouve :

  • une origine hormonale : le follicule pilo-sébacé est sous contrôle d'une certaine forme de testostérone. Cette forme dite active, appelée dihydrotestostérone (DHT) provoque une séborrhée et une atrophie progressive du bulbe du cheveu.
  • une origine génétique : le degré de réceptivité des cheveux aux hormones mâles est génétiquement déterminé. Ce sont les mêmes causes qui déterminent l'acné de l'adolescent.

6. L'hérédité est-elle toujours en cause ?

Elle devrait toujours être en cause. Cependant, la transmission génétique ne se fait pas systématiquement à tous les membres de la famille. Elle se ferait sur le mode dominant à pénétrance variable. Ce mode de transmission particulier explique que certains individus dans une même famille ou dans certaines générations, échappent à la calvitie.
Il faut aussi savoir que la femme, tout autant que l'homme, peut transmettre ce facteur génétique. Comme pour la plupart des phénomènes héréditaires, il est possible de présupposer les sujets susceptibles d'être atteints d'alopécie androgénétique.

7. Quelles modifications surviennent au cours de l'alopécie androgénétique ?

Les modifications des cheveux qui caractérisent cette affection peuvent être mises en évidence par des examens spécifiques.

Elles sont de trois types :

  1. un raccourcissement de la phase de croissance anagène du cheveu avec diminution du rapport anagène/télogène.
  2. une diminution progressive du calibre des cheveux.
  3. un épuisement rapide de la capacité de renouvellement des cheveux anagènes.

8. Le phénomène de vieillissement influe-t-il sur le dégarnissement ?

Contrairement à ce que l'on pourrait croire, le vieillissement n'a probablement aucun effet sur le dégarnissement. A priori, le seul impact de l'âge sur le cheveu est constitué par le blanchiment. Celui-ci est dû à une diminution progressive de l'activité des "cellules pigmentaires" ou "mélanocytes".

Les autres modifications liées au vieillissement sont la diminution des petits vaisseaux nourriciers du cuir chevelu, un ralentissement de la vitesse de pousse (au delà de 70 ans), et une réduction de la densité capillaire. Par contre, il ne semble pas y avoir de réduction de diamètre des tiges des cheveux avec l'âge.

9. Quels sont les renseignements pouvant orienter dans la recherche d'une cause d'alopécie ?

L'interrogatoire doit, aussi bien chez la femme que chez l'homme, s'attacher à élucider les circonstances de survenue de la chute de cheveux. La date du début de la chute : celle-ci est-elle ancienne ou non ? L'évolution dans le temps : la chute peut être cyclique accentuée selon les saisons ou, chez la femme, au moment des règles. Une évolution par poussée fait penser à une origine hormonale.

Les effets du brossage ou des shampooings : la chute peut-être abondante au cours de ces manipulations ; elle est parfois révélée par la présence de nombreux cheveux sur l'oreiller. La présence des signes associés : la séborrhée dont l'importance est évaluée sur la fréquence des shampooings, des démangeaisons (ou prurit) et une desquamation pityriasique qui, lorsqu'elle siège sur le cuir chevelu et au milieu du visage, évoque une dermite séborrhéique.

La présence d'un dégarnissement d'importance et de localisation variables. La réalisation d'examens divers ou de consultations spécialisées pour d'autres maladies. L'existence de troubles généraux comme une asthénie (ou fatigue) matinale, un mauvais sommeil ou une perte de l'appétit. Le stress semble accentuer la séborrhée et la chute capillaire.

10. L'analyse minérale des cheveux : examen utile ou gaspillage d'argent ?

Cet examen aurait dû permettre le dosage, dans la tige des cheveux, d'éléments tels que le zinc, le plomb, l'aluminium, etc. En fait, les résultats obtenus montrent tout un faisceau d'incertitudes constatées par des scientifiques. Ainsi, il n'existe aucun parallélisme entre l'augmentation de certains minéraux dans le sang par apport alimentaire et le dosage au niveau du cheveu. Par ailleurs, aux Etats-Unis un même échantillon de cheveux envoyé pour analyse à 13 laboratoires différents, a révélé 13 résultats différents. Cet examen semble donc tout à fait inutile.

11. Existe-t-il des facteurs favorisant les cassures des tiges des cheveux ?

Les alopécies par cassure de la tige peuvent survenir soit sur une tige fragilisée congénitalement, et c'est alors cette cassure qui fait suspecter l'anomalie, soit sur un cheveu non malade mais fragile naturellement.

Entrent dans cette dernière catégorie les cheveux des personnes de race noire qui, du fait de leurs frisures, empêchent le sébum de glisser naturellement.

Ainsi, à agression égale, ce type de cheveu casse beaucoup plus facilement que les cheveux d'Asiatiques par exemple. Enfin, les cheveux peuvent aussi être fragilisés par des agressions extérieures (soins de coiffure surtout).

12. Quels sont les différents types de pilosités existants chez la femme ?

Il existe des pilosités androgénodépendantes plus ou moins importantes selon l'origine ethnique, l'âge et la prise de certains traitements hormonaux. Cette pilosité est située sur certaines régions du corps : milieu du visage, menton, lèvre supérieure, auréole des seins, région abdominale.

D'autres parties du corps comme les pommettes des joues, l'avant de l'oreille, les bras et les fesses, sont le siège de pilosité qui n'est pas sous contrôle androgénétique mais semble due soit à des anomalies vasculaires (porphyries, minoxidil, etc…), soit à des particularités ethniques (pilosité des femmes méditerranéennes, absence de pilosité des femmes asiatiques).

13. Est-ce que le bilan hormonal est essentiel pour confirmer la nature androgénétique de l'alopécie ?

Tout à fait. Dans un premier temps, l'examen général et gynécologique de la patiente permet de dépister les signes d'une virilisation et de vérifier les possibilités de traitements hormonaux.

Puis, certains examens de laboratoire sont demandés. Il s'agit essentiellement des dosages, dans le sang, d'hormones mâles (testostérone, DHA, androstènedione). Certains signes peuvent inciter à prescrire les dosages. Dans la grande majorité des cas, les résultats sanguins sont normaux, car il s'agit en fait, d'une sensibilité locale aux hormones.

14. Quels sont les examens actuels pour explorer le cheveu ?

Plusieurs examens spécifiques sont à notre disposition pour évaluer l'état des cheveux. L'examen de la tige avec un microscope à lumière polarisée permet d'éliminer une anomalie ou une fragilité congénitale ou acquise des cheveux. Le trichogramme, examen microscopique des racines d'une touffe de cheveux (environ 50) prélevée en trois endroits du cuir chevelu, a un intérêt diagnostique.

Il permet par exemple d'éliminer certains types d'alopécies comme celle d'origine médicamenteuse. Il fait la distinction entre les chutes à la phase anagène ou télogène du cheveu.

Mais, dans la plupart des chutes, et en particulier dans l'alopécie androgénétique, la racine a un aspect télogène. Dans la maladie peladique, les racines ont des aspects dystrophiques au stade anagène facilement reconnaissables. Le trichogramme permet essentiellement de vérifier une dissociation nette entre le pourcentage de cheveux déjà morts venant facilement à la traction et celui des cheveux qui persistent au niveau du cuir chevelu.

Le rapport entre le nombre de cheveux anagènes et le nombre de cheveux télogènes est suspect s'il est inférieur à 4 et pathologique s'il est inférieur à 3. Le phototrichogramme consiste à faire une étude photographique d'une petite surface de cuir chevelu préalablement repérée.

Cet examen permet d'apprécier :

  • le nombre de cheveux télogènes détachés facilement par brossages et shampooings
  • le nombre de cheveux anagènes restés implantés.

15. Comment s'assurer de l'existence d'une alopécie androgénétique ?

La topographie du dégarnissement et l'existence de cas d'alopécie dans la famille sont des renseignements évocateurs mais insuffisants pour affirmer la nature androgénétique de la calvitie. L'alopécie androgénétique est, en pratique, un diagnostic d'élimination.

Certains sujets peuvent en effet présenter un aspect très voisin. Il faut donc impérativement vérifier toutes les autres causes possibles. D'autre part, l'alopécie, même à un stade très évolué, peut être accompagnée d'autres causes de dégarnissement